Reconnaissance de l’aidant : que dit vraiment la loi ?

Qu’appelle-t-on un aidant ? Petit état des lieux juridique

En France, le terme « aidant » n’a été réellement reconnu par la loi que depuis 2015. Sous ce même mot, se cachent néanmoins des réalités variées, parfois floues, et de nombreux aidants ignorent même l’existence de ce statut. Juridiquement, il existe plusieurs définitions selon les textes :

  • L’article L. 113-1-3-1 du Code de l’action sociale et des familles évoque l’aidant comme “une personne non professionnelle, qu’il s’agisse d’un membre de la famille, d’un conjoint, d’un ami, d’un voisin, qui vient en aide à titre principal ou non à une personne dépendante de son entourage”. (Source : Légifrance)
  • La loi du 28 décembre 2015 dite “loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement” prévoit la reconnaissance officielle de l’aidant familial, notamment dans le cadre de l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA).

Un aidant, selon la loi, est donc une personne qui vient, bénévolement, en appui auprès d’un proche atteint d’un handicap, d’une maladie, ou en perte d’autonomie. Cet accompagnement peut être matériel, médical, administratif, logistique, etc. À noter : l’aide institutionnelle ou professionnelle (aides à domicile salariées, infirmières, etc.) est bien distincte du rôle d’aidant non professionnel.

Les critères concrets pour être reconnu « aidant » par la loi

Tout le monde n’est pas considéré officiellement comme aidant. La reconnaissance du statut s’appuie sur plusieurs critères :

  • La nature de la relation : il s’agit généralement de conjoints, parents, enfants majeurs, amis proches ou voisins régulièrement impliqués.
  • L’aide apportée : elle doit concerner les actes essentiels de la vie quotidienne (toilette, habillage, alimentation, déplacements, gestion administrative, démarches médicales, soutien moral…)
  • La régularité et la durée : il faut souvent prouver que l’aide est fournie de façon régulière, sinon permanente, parfois depuis plusieurs mois.
  • La situation de la personne aidée : la loi cible les proches touchés par un handicap reconnu, une maladie évolutive, ou une perte d’autonomie liée à l’âge (bénéficiaire de l’APA, reconnaissance MDPH, pensions d’invalidité…)

Il n’existe pas de déclaration automatique d’aidant : ce statut s’établit via des démarches volontaires, chaque dispositif (allocation, congé…) exigera des justificatifs différents, souvent fournis par le médecin ou la structure médico-sociale accompagnant la personne aidée.

Devenir aidant : quelles démarches pour être reconnu officiellement ?

L’un des grands tabous en France autour des aidants : leur rôle, fondamental, reste souvent informel. Pourtant, la loi permet aujourd'hui plusieurs reconnaissances concrètes, qui ouvrent des droits. Voici comment procéder selon les cas :

  • Déclaration « officielle » dans le dossier de la personne dépendante : par exemple, lors de la constitution d’un dossier MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) ou d'une demande d’APA, un aidant familial peut être mentionné et identifié comme tel. La MDPH accorde alors parfois des droits indirects à l’aidant (droits au répit, accompagnement, orientation…).
  • Demande à l’employeur pour le congé de proche aidant : il s’agit d’une démarche formelle (remplir un formulaire, fournir la preuve du lien avec la personne aidée et d’un niveau de perte d’autonomie). L’aidant salarié doit généralement transmettre à son employeur copie de la notification du handicap ou de la perte d’autonomie de son proche (détails sur : Service-Public.fr).
  • Demande d’aides financières ou de formations : certaines caisses de retraite, mutuelles ou collectivités territoriales proposent des dispositifs dédiés aux aidants. Attention, chaque organisme définit ses propres critères et démarches (sources : CNAV, Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie).

Le Conseil Départemental, les assistantes sociales, les plateformes de répit, les Centres locaux d'information et de coordination (CLIC) peuvent accompagner dans les démarches.

Droits des aidants : une reconnaissance progressive, encore imparfaite

Depuis quelques années, le droit français évolue pour mieux soutenir les aidants, qui seraient près de 9,3 millions en France selon la MSA (2022). Voici les principaux droits reconnus légalement aux aidants aujourd'hui :

Congé de proche aidant : pour s’arrêter, sans perdre son emploi

Mise en place par la loi du 8 août 2016 (loi Travail), ce congé permet à tout salarié du privé, agent public ou indépendant d’interrompre temporairement son activité pour accompagner un proche gravement malade, handicapé ou dépendant. Cette durée est de 3 mois, renouvelable dans la limite d’un an sur l’ensemble de la carrière.

  • Indemnisation : depuis 2020, ce congé bénéficie d’une allocation journalière, d’un montant de 63,52 € brut/jour en 2024 (source : Service-Public.fr).
  • Public concerné : salariés du secteur privé ou agents publics, selon certaines conditions. Le bénéficiaire doit avoir un lien étroit avec la personne aidée.
  • Démarches : prévenir l’employeur, fournir preuves de la perte d’autonomie ou du handicap.

Protection sociale et droit au répit : des dispositifs pour souffler

  • Droit au répit : l’article L. 232-3-1 du Code de l’action sociale et des familles l’inclut dans l’APA, avec financement de solutions de remplacement (hébergement temporaire, accueil de jour… d’un montant supplémentaire pouvant atteindre 507,70 €/an en 2024 – Département de la Seine-Maritime).
  • Accès à des formations dédiées : de nombreuses structures associatives et institutions (France Alzheimer, Association Française des Aidants, CNSA…) proposent des modules gratuits ou subventionnés.
  • Accompagnement psychologique : dans certains cas, la protection sociale ou le Conseil départemental finance un accompagnement psychologique pour prévenir l’épuisement.

Aides financières et avantages fiscaux

  • Aides à domicile : crédit d’impôt de 50 % sur les sommes versées, y compris pour les interventions payées par l’aidant chez le proche dépendant (revenu fiscal de référence inférieur à 25 000 €/an – Source : Direction générale des finances publiques).
  • Allocation journalière de proche aidant (AJPA) : versée durant le congé du même nom, elle aide à compenser la baisse de revenus.
  • Majoration tierce personne pour la retraite : certains aidants familiaux peuvent prétendre à une majoration de leur durée d’assurance pour la retraite (notamment les aidants d'enfants handicapés : Code de la sécurité sociale).

À quoi sert la reconnaissance du statut d’aidant ? Impacts sur le quotidien

Les études montrent que beaucoup d’aidants cumulent une activité professionnelle à plus de 80 % (Baromètre Fondation April 2022). La reconnaissance légale facilite la coordination des démarches pour :

  • Bénéficier d’aménagements d’horaires ou de télétravail (le statut d’aidant est désormais un motif à faire valoir auprès de l’employeur, selon l’article L.3123-7 du Code du travail).
  • Alléger la charge administrative dans le parcours de soins ou lors de changements de situation (hospitalisations, perte d’autonomie soudaine…)
  • Avoir accès plus facilement à l’information et à l’accompagnement spécialisé (formations, cafés des aidants, consultation sur le burn-out des aidants…)

Une reconnaissance qui, si elle ne résout pas tout, ouvre plus de portes que l’on ne le croit, y compris psychologiquement : comme le souligne la psychologue Véronique Suissa (Le Monde, 2022), “se sentir aidant reconnu, c’est rompre l’isolement et sortir de l’ombre”.

Aidant familial, salarié, conjugal… Les subtilités juridiques selon la loi

La loi distingue plusieurs grandes catégories, qui n’ouvrent pas toutes les mêmes droits :

  • L’aidant familial (notion centrale dans l’APA, la PCH) : parent, enfant, conjoint d’une personne dépendante ou handicapée. Il peut être indemnisé (rémunéré via la PCH) s’il n’est pas le conjoint, concubin ou PACSé dans la plupart des cas (hors dérogations).
  • L’aidant salarié : spécificité du Code du travail qui prévoit des droits pour certains salariés aidant un proche (droit à congé, aménagement d’horaires…).
  • L’aidant professionnel : exclu du cadre légal des aidants non professionnels.
  • L’aidant conjugal : souvent le plus “invisible”. Les conjoints, bien que très impliqués, ne perçoivent en général aucune indemnisation pour l’aide apportée à leur compagnon/compagne (sauf en cas de décision spécifique des autorités sociales).

Chaque catégorie a ses propres critères d’éligibilité : par exemple, un enfant adulte peut être “aidant familial”, mais non “aidant salarié” s’il est sans emploi. Le défraiement de l’aidant familial est une question sensible : selon la CNSA, seuls 6 % des aidants familiaux sont indemnisés à quelque titre que ce soit (2023).

Quelques limites et zones grises du statut d’aidant en France

Si la loi française progresse, plusieurs points restent problématiques ou non-harmonisés :

  • Statut informel : la majorité des aidants n’entreprend jamais de démarche formaliste, et demeure ainsi invisible dans les comptes sociaux.
  • Faible rémunération : peu d’aidants sont défrayés, et les montants restent modestes (exemple : dédommagement PCH familial en 2024 : 4,95 €/heure).
  • Disparités territoriales : l’accès aux droits et aux dispositifs varie grandement d’un département à l’autre, en fonction des budgets et des politiques locales.
  • Difficulté d’accès à l’information : selon le baromètre national de l’Association Française des Aidants 2023, plus de 50 % des aidants disent n’avoir reçu “aucune information spécifique” sur leurs droits lors de la prise en charge d’un proche.
  • Risque d’épuisement : faute de reconnaissance et d’accompagnement structuré, 34 % des aidants familiaux déclarent avoir souffert d’un épisode de burn-out au cours des 12 derniers mois (Baromètre APRIL 2022).

La notion de “statut d’aidant” reste donc encore à renforcer, notamment sur le volet prévention, compensation et égalité d'accès aux droits.

Pour aller plus loin : pistes d’amélioration et ressources utiles

Face à l’ampleur du rôle des aidants, la loi française évolue graduellement. De nombreux rapports – dont celui du Défenseur des droits (2023) et du HCFEA (Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge) – suggèrent d’aller vers :

  1. La création d’un véritable statut unique, automatique, reconnu dès la déclaration d’une perte d’autonomie, avec ouverture immédiate de droits au répit, formations, aides psychologiques, aménagements professionnels.
  2. La généralisation de l’information, la simplification des démarches et la mise en place d’un guichet unique accessible à tous les aidants, quels que soient leur âge ou le handicap du proche.
  3. Une valorisation accrue du rôle d’aidant (points retraite, primes, reconnaissance institutionnelle).

Pour retrouver des ressources, démarches ou conseils spécialisés :

Des droits réels mais encore à défendre

La définition du statut d’aidant a progressé en France, offrant de premiers droits essentiels : congé, allocation, accompagnement, droit au répit. Mais l’information demeure fragmentée, les disparités restent fortes et la reconnaissance sociale, bien qu’en nette amélioration, demande à être consolidée. Si l’on salue les avancées, rester aidant implique souvent de se battre pour faire valoir ses droits et obtenir le soutien nécessaire. Porter ce rôle ne veut pas dire tout porter seul : informer, s’entourer, demander conseil, sont déjà des actes d’aidance pour soi-même et son proche.

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